L’objectif est de faire mieux qu’à Bahreïn et de devenir la troisième force : la voiture se comporte mieux sur un tour sec qu’en course, une chance car à Imola il est difficile de doubler.
Charles Leclerc se réchauffe les mains dans sa lourde veste, boutonnée jusqu’au cou, sur la terrasse du circuit Enzo et Dino Ferrari. Un vent glacial dans le règne qui fut celui de Michael Schumacher : sept victoires (six avec la Rossa) comme personne d’autre. Même avec les nuages et les tribunes vides, le « petit Nurburgring », comme l’appelle le Drake, ne perd pas son charme. « C’est étrange de partir de Maranello, de faire moins de 90 km, ça a une saveur particulière même sans foule« , dit le Monégasque. Il aura besoin de son pied chaud pour sortir du milieu, pour se réserver une place au sommet.
Demain, car ici les qualifications valent presque tout : personne n’a jamais gagné en partant plus bas que la cinquième place (Piquet, 1980 et 1981). Cette Ferrari n’a pas d’ambitions de pole – sauf surprise, ce sera une affaire Red Bull-Mercedes – mais elle doit confirmer les progrès réalisés à Bahreïn sur une piste aux caractéristiques différentes, et avec des températures plus de vingt degrés plus froides. Cela pourrait changer l’équilibre très fin dans la lutte pour la troisième place des constructeurs, un objectif que Leclerc considère comme « réaliste ».
Un indice intéressant est ressorti du premier Gp dans le désert, dans la lignée des monoplaces des années passées : la voiture donne le meilleur d’elle-même sur un tour lancé, et c’est une qualité à exploiter à Imola, maintenant que la puissance du moteur est revenue. Tout d’un coup, ou plutôt deux : Carlos Sainz, en phase d’apprentissage, sait qu’une épreuve difficile l’attend. Si vous faites une erreur, vous êtes éliminé, l’Espagnol recherche la confiance dans la voiture « sur une piste à l’ancienne qui ne pardonne pas : y arriver dans la deuxième course avec une voiture que je ne connais pas encore à fond ne sera pas facile « . Il apprend vite mais n’est pas du genre à prendre des risques excessifs au début de son aventure.
Une étape importante
L’attitude prudente habituelle se ressent à l’intérieur du garage Ferrari : Imola est une étape importante pour mesurer l’étendue des nouvelles solutions techniques mais aussi la capacité de réaction des rivaux. De l’Alpine d’Alonso, donnée en grande difficulté ; de l’Aston Martin de l’ancien Sebastian Vettel, revenue d’un très mauvais départ. De l’AlphaTauri, qui est né à deux pas de là, dans l’usine de Faenza : les Rouges s’attendent à ce qu’il fasse un tabac dans leur jardin. Tout comme ils attendent de McLaren des performances de haut niveau. Si l’on ajoute ensuite l’autre Red Bull, celle de Sergio Perez, sensationnellement sortie du top 10 samedi à Bahreïn en raison d’une erreur de stratégie, le résultat est une mêlée sauvage et incertaine.
Là où la différence, en plus des chevaux et des hommes, sera la qualité du châssis. Des montées et des descentes, des trottoirs hauts, des virages lents : Sainz appelle cela un test de suspension. Ce n’est pas un hasard si c’est l’une des pièces qui a le plus changé sur la Ferrari 2021. La suspension arrière a été refaite ainsi que l’extrémité arrière. Sur les 19 virages autour du fleuve Santerno, qu’est-ce qui sera le plus visible ? « Il y a moins de lignes droites, et plus de virages moyennement rapides, sur ces tronçons nous avons eu plus de difficultés à Bahreïn -répond Leclerc-, sûrement que ce week-end nous donnera des réponses. Et nous avons besoin d’un très bon tour en qualification parce qu’ensuite il est très difficile de doubler : nous nous battons contre quatre-cinq équipes, nous avons besoin de la perfection ». Les mots d’un « désastreux désordre » : « Je perds tout : à chaque course, j’oublie mes chaussures et mes clés de voiture à l’hôtel. Mais quand je me mets au travail, plus rien ne m’échappe ». Entre les murs et l’herbe, il faut son cerveau-ordinateur.